mardi 6 décembre 2016 à 18h30

Romancières 2/6

Assia Djebar

Par Mounira CHATTI (Université Bordeaux Montaigne)

Assia Djebar est décédée le 6 février 2015 à Paris. Élue à l'Académie française en 2005, elle était une pionnière. Elle lègue une œuvre riche et diverse : onze romans, des pièces, des nouvelles, des films. « Assia, c'est la consolation, et Djebar, l'intransigeance. Quel beau choix », dit Pierre-Jean Rémy dans son discours de réception à l'Académie, où il retrace l'engagement et la résistance d'Assia Djebar. De son vrai nom Fatma-Zohra Imalhayène, elle est née le 30 juin 1936 à Cherchell. Son père, instituteur, choisit de mener sa fille sur le même chemin qu'il a lui-même parcouru. Assia Djebar fait toute sa scolarité en français après un bref passage à l'école coranique. À l'issue de son hypokhâgne à Alger, elle arrive au lycée Fénelon à Paris pour un an de khâgne. En 1955, elle est la première étudiante algérienne à intégrer l'École normale supérieure, à Sèvres, où elle choisit l'étude de l'Histoire. Elle en sera exclue pour avoir suivi le mot d'ordre de grève lancé le 19 mai 1956 par l'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGÉMA). Elle publie alors son premier roman, La Soif (1957). À 22 ans, elle épouse l'écrivain Walid Garn, pseudonyme du militant et homme de théâtre algérien Ahmed Ould-Rouis, avec qui elle écrit Rouge l'aube (1969). Tous deux mettent en scène plusieurs pièces à Montparnasse, avant de divorcer. Elle épouse en secondes noces le poète Malek Alloula et écrit avec lui le film La Zerda ou le chant de l'oubli (1982). Pendant la guerre d'Algérie, Assia Djebar voyage au Maroc et surtout en Tunisie où elle mène des enquêtes auprès des réfugiés algériens dont on retrouve la trace dans son quatrième roman Les Alouettes naïves (1967). Le 1er juillet 1962, elle est nommée professeure d'histoire à l'université d'Alger. Mais la question de la langue nationale et d'enseignement occupe rapidement le débat politique. Assia Djebar s'oppose à l'arabisation forcée et défend une Algérie plurilingue et multiculturelle. Se présentant comme une migrante, l'écrivaine est appelée à se déplacer continûment entre trois continents (Afrique, Europe, États-Unis). Son œuvre témoigne de la nécessité de l'écriture autobiographique, du détour par le reportage journalistique puis le cinéma pour éprouver l'efficacité d'autres modes du dire. La question de la langue est obsédante : pourquoi écrire en français ? Comment écrire en français quand on est héritière d'une constellation linguistique où se concurrencent déjà plusieurs langues : arabe littéraire, arabe parlé, berbère ancestral ? D'un texte à l'autre reviennent les thèmes du vécu féminin refoulé, de la violence de l'Histoire, de la mémoire…

Les ouvrages dont il sera question : L'Amour, la fantasia ; Loin de Médine ; Oran langue morte ; Femmes d'Alger dans leur appartement

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A travers l'œuvre littéraire de six femmes, l'Université Populaire de Bordeaux propose de (re)découvrir ce que les romancières d'hier et d'aujourd'hui écrivent afin de voir comment elles perçoivent le monde, comment elles en rendent compte et le donnent à comprendre, et comment elles nous aident à mieux déchiffrer ce que nous sommes.

Tout au long de l'année, des spécialistes de Svetlana Alexievitch, Assia Djebar, Véronique Tadjo, Virginia Woolf, Georges Sand et Annie Ernaux (re)liront les textes de ces écrivaines, s'attardant plus longuement sur certains volumes de leur choix que nous vous invitons à explorer. Le but de ce cycle de conférences est simple : transmettre un plaisir de la lecture pour donner envie de (re)lire et faire connaître les œuvres de celles qui pensent par l'écrit.

Les conférences auront lieu un mardi par mois, de 18h à 19h30 à la Machine à Musique (13-15 rue du Parlement Ste Catherine)
Entrée libre et gratuite, sans réservation.

Source : message reçu le 17 octobre 17h